2- Nouvelles du pays
Aulnay le 20 septembre 1939
Chère sœur,
Nous sommes en possession de ta carte et avons pris connaissance de ton courrier au 40. Merci.
En réponse, rien de sensationnel à te raconter en dehors des petits potins suivants :
Maman regrette de plus en plus de ne pas savoir aller en vélo (les trains marchent si mal) afin de pouvoir te rendre une visite ; sa lamentation est toujours : « Ah ! la sale gamine ! elle peut dire qu’elle m’en fait faire du mauvais sang. »…
Je viens d’écrire à « Moustique » pour lui donner ton adresse ; elle doit t’écrire.
Roger n’est plus à Labry (ironie !) mais à Jarny pour changer d’air à moins que, lui aussi, ait besoin d’espace vital … comme dirait Jean-Jacques … non pardon, Adolf.
Les aulnaysiens n’ont toujours pas de masques à gaz. On ne distribue que des grandes tailles et petites tailles.
Comme, en général, la population est de taille moyenne.. Hum ! Je n’insiste pas.
Depuis ton départ, pas une alerte.
Les répétitions sont sans doute terminées ?
Gare à la grande première comme on dit au théâtre.
La santé et le moral sont bons pour nous. J’espère que la présente te trouvera saine de corps et d’esprit ?
Nous pensons enfin que ta nouvelle vie continue d’être supportable et que tu n’as eu à soigner, jusqu’ici, que tes ongles ?
Je termine et t’adressons, Paulette et moi, de bonnes bises sonores.
Ton Frère
Fernand
P.S. Je dédie ces maigres vers, dont je suis l’humble auteur, à tes collègues et à toi-même :
Conseils d’un ainé.
Jeunes infirmières, du cran ! je vous prie.
Si la mitraille vous trouble l’esprit.
Au lieu d’un lavement au blessé 22
N’inversez pas les nombres, ce serait désastreux.
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Comme tu le vois, je n’ai pas changé.
D’ « aimables » personnes disent que je suis un ours… C’est possible après tout puisque j’aime faire le ver.. solitaire …
Présente donc mes excuses à tes collègues si j’ai douté de leur sang-froid devant le danger. Je les salue respectueusement et regrette de ne pouvoir leur faire une « génuflexion » … ayant une « flexion dans le genou ».
Je ne dis « plumeau » car je vais finir par dire des « mollets »… Ces derniers mots d’esprit ne sont pas de moi, je les tiens d’un « potager »…
Aie !!
Amen